Ingénierie sociale (Partie 3)

Ingénierie sociale, fabrique du consentement, manipulation des foules

Une influence significative sur l’essor du capitalisme

Lorsque les grands industriels, tels que Rockefeller, JP Morgan…, ont vu les possibilités qu’offrait la psychologie de masse, ils ont tout de suite adhéré à cette technique et cherché à en obtenir des bénéfices…

Et s’il y en a un qui a su tirer son épingle du jeu, c’est Edward Bernays ! Reconnu comme étant le père de la propagande moderne, il a eu une influence significative sur l’essor du capitalisme et des grandes industries au cours du XXe siècle. Son travail a en effet aidé à façonner la culture de consommation de masse et la mentalité capitaliste de l’Amérique.

Sa contribution la plus importante a sans doute été dans le monde de la publicité. Son intervention a révolutionné la façon dont les entreprises vendaient leurs produits. Au lieu de se concentrer sur les caractéristiques et les avantages de ces derniers, Bernays a commencé à vendre des modes de vie et des aspirations. Il a utilisé des techniques de persuasion psychologique et de manipulation pour influencer l’opinion et le comportement des gens, en créant par exemple un sentiment d’urgence, ou en ayant recours à des célébrités. Ainsi, les campagnes publicitaires s’appuyaient désormais sur les émotions, et non plus sur la logique. Acheter ne répondait plus à un besoin, mais à un désir. Peu à peu, le citoyen a été transformé en consommateur


Le terme « propagande » étant devenu péjoratif, ils en ont inventé un autre : « conseil en relations publiques »… Si une chose est impopulaire, il suffit de la nommer autrement ! Ni vu, ni connu…


Le petit-déjeuner (breakfast) à l’américaine

Jusqu’en 1920, aux États-Unis, le premier repas de la journée était léger : un café, un jus et un peu de pain. On est loin, ici, du fameux « breakfast » de « l’American way of life », où sont servis les traditionnels « Bacon & Eggs » !

Traditionnels ? Vous êtes sûrs ?

breakfast à l'américaine, campagne publicitaire, Edward Berneys

Les œufs au plat ou brouillés, avec du bacon, sont issus en réalité d’une campagne publicitaire menée par… Edward Berneys…

La compagnie Beech-Nut Packing, qui produit et commercialise de la viande, souhaite augmenter ses ventes, et par là même, augmenter la demande en viande des Américains. Elle se tourne donc vers Edward Berneys qui suggère, non pas d’augmenter la quantité de viande servie le midi et le soir, mais de convaincre l’opinion publique que le repas le plus important de la journée est le petit-déjeuner…

Ce dernier commande donc une étude à plusieurs dizaines de leaders d’opinion (médecins dans le domaine de la nutrition et de la santé) qui approuvent l’importance du premier repas de la journée. Berneys transmet ensuite cette étude à 4 000 médecins qui relayent, sans sourciller, cette recommandation à leurs patients.

Avec l’aval de spécialistes, convaincre l’opinion publique devient « un jeu d’enfant ». Les médias ne sont pas en reste puisqu’ils sont sollicités à grande échelle pour transmettre l’information aux masses. Ainsi, grâce à ce mode communication qui détient un certain ascendant sur la population américaine, le message revêt un caractère officiel et la campagne publicitaire est prise très au sérieux…

Les Torches de la liberté

Ou comment faire de la cigarette un produit associé à la santé et au bien-être…

L’American Tobacco Company fait appel à Edward Berneys pour augmenter les ventes de Luky Strike chez les femmes. La première stratégie mise en place avait pour objectif de persuader les femmes qu’il était préférable de fumer une cigarette plutôt que de manger pour mincir.

À grand renfort de photographies, d’artistes, mais aussi avec le concours des magazines et des journaux, Berneys fait la promotion de la beauté des femmes minces et de l’idéal minceur.

Cigarette : un produit santé et bien-être

Les autorités médicales ne furent pas en reste et apportèrent leur contribution à ce message transmis aux ménagères en les encourageant à fumer et en leur faisant accepter l’idée qu’avoir un paquet de cigarettes à portée de main était une nécessité absolue !


« Les cigarettes sont un pénis, et toutes les femmes veulent un pénis.
Donc si vous pouvez leur en donner un, même s’il est juste symbolique, ça leur plaira forcément. »


Forts de ce succès, l’industrie du tabac et Edward Bernays n’en sont pas restés là ! Bien au contraire ! En effet, même si les femmes se sont mises à fumer, il n’en demeure pas moins qu’elles ne sont pas autorisées à fumer dans l’espace public. C’est une « activité » réservée aux hommes.

Depuis le début du siècle, les femmes tentent de s’émanciper et sont déterminées à se battre pour leurs droits.

Ces mouvements de libération de la femme sont une aubaine pour le publiciste et le cigarettier. Une nouvelle idée voit le jour : lier le tabagisme des femmes à leur émancipation et leur libération.

La campagne a été lancée lors de la parade du dimanche de Pâques de 1929 à New York. L’évènement a bien sûr été scénarisé en bonne et due forme pour obtenir l’effet voulu. Bernays a ainsi engagé un groupe de jeunes femmes bien habillées pour marcher dans la parade en fumant des cigarettes. Ces femmes furent surnommées les « Lucky Strike girls ». Bien évidemment, la presse avait été invitée pour couvrir l’événement.

Le lendemain, les journaux ont publié les photos de ces femmes fumant des cigarettes en marchant dans la parade. Elles affirmaient ainsi leur indépendance et leur émancipation par l’acte de fumer en public, revendiquant le slogan selon lequel elles avaient allumé « Les Torches de la liberté »…

Les Torches de la liberté, New York, 1929
Libération de la femme, tabac, Lucky Strike Girls

Femmes fument, Katherine Hepburn, actrice, indépendance
L’actrice américaine Katherine Hepbrun, une cigarette à la main, années 30

La campagne fut un succès instantané et généra une couverture médiatique importante. Les femmes ont alors commencé à acheter des cigarettes Lucky Strike et à les fumer en public. En quelques années, elles étaient devenues un marché important pour l’industrie du tabac.

« Democracity », L’Exposition universelle de New York

Ou la fusion de la démocratie et du capitalisme

L’exposition industrielle de 1939, également connue sous le nom de New York World’s Fair, s’est tenue à Flushing Meadows-Corona Park à New York, aux États-Unis, du 30 avril 1939 au 27 octobre 1940. Elle a été organisée pour célébrer les réalisations industrielles et technologiques des États-Unis et du monde entier.

Le thème était « Le monde de demain », et elle a présenté de nombreuses innovations et réalisations scientifiques et technologiques, notamment la télévision, la technologie des robots, la climatisation, les voitures électriques et les appareils ménagers modernes. Plus de 44 millions de personnes l’ont visitée.

L’exposition était organisée par la Corporation de la foire internationale de New York, qui a été créée en 1935 pour gérer l’événement. La foire a été financée par le gouvernement fédéral, l’État de New York et la ville de New York, ainsi que par des dons de sociétés et de particuliers.

Exposition universelle New York, capitalisme et démocratie
monde de demain, psychologie et persuasion, campagne publicitaire

Edward Bernays a joué un rôle important dans la conception et la promotion de cette exposition. Il a été chargé de diriger le département des relations publiques de l’exposition et de créer une campagne de promotion pour attirer les visiteurs. Il a utilisé ses connaissances en matière de psychologie et de persuasion pour créer une campagne de publicité innovante et efficace. Son objectif était de créer une image positive de l’événement et de susciter l’intérêt du public. Des célébrités et des personnalités importantes ont été invitées à participer et des publicités accrocheuses pour la télévision et la radio ont été conçues.

L’une des attractions les plus populaires de l’exposition a été « Futurama », imaginée par la société General Motors. L’idée était de présenter une vision optimiste de l’avenir de l’Amérique, malgré la Grande Dépression qui avait touché le pays dans les années précédentes, avec des autoroutes modernes, des villes aérées et une vie confortable.

Faire rêver avec un avenir industriel « vraiment fun » a contribué à ce que les gens n’aient plus qu’une seule vision possible de la démocratie : une démocratie capitaliste


Le capitalisme et la consommation ont été vendus pendant plus de vingt ans comme les fondements du rêve américain.



Ceux qui lançaient ce type de projets avaient une vision à long terme.
Même s’ils savaient qu’ils n’en verraient pas la concrétisation de leur vivant, ce n’était pas grave, ils étaient prêts à ce que ça s’étale sur plusieurs générations.


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