Ingénierie sociale (Partie 1)

Ingénierie sociale, fabrique du consentement, influencer l'opinion publique

Ou comment on fabrique votre consentement…

Avez-vous lu 1984, de Georges Orwell ? Si vous ne l’avez pas lu, vous en avez certainement entendu parler…

D’aucuns diront d’Orwell qu’il était visionnaire. D’autres argueront qu’il ne faisait qu’annoncer « le plan » de domination de l’humanité prévu par ses pairs.

Ce « roman d’anticipation » fait froid dans le dos. Publié en 1949, alors que la terreur stalinienne bat son plein, il décrit un monde où le gouvernement totalitaire, dirigé par le Parti, contrôle tous les aspects de la vie des citoyens, y compris leurs pensées et leurs émotions. Les comportements des hommes sont influencés et façonnés par une pensée unique transmise par le Parti. Si ce dernier dit que deux et deux font cinq, c’est forcément vrai. Et non seulement les citoyens devront le croire, mais ils auront à cœur de dénoncer avec force ceux qui s’aviseraient de dire le contraire…

Tout a été mis en place par le Parti pour détruire la moindre liberté, qu’elle soit individuelle ou collective.

Ce qui peut paraître saisissant, c’est que de nombreux aspects de ce livre font écho à ce que nous vivons aujourd’hui. Il est cependant important de noter que nous « subissons » ces restrictions de libertés, mais aussi cette ingérence de plus en plus prégnante dans nos vies de la part des autorités et des magnats de la finance depuis des décennies, sans vraiment nous en rendre compte…

Avez-vous observé à quel point les géants de la technologie ont envahi nos vies sous couvert de progrès ou pour nous « faciliter le quotidien » ? Mais chaque jour, ce sont des milliers de messages qui inondent nos écrans (Smartphones, ordinateurs, téléviseurs…). Leur objectif n’est autre qu’orienter nos choix pour nous dire quoi acheter, quoi manger, quoi voter… Ils façonnent ainsi notre vision du monde. Et que dire du droit à la vie privée ? À la liberté ?

Vous croyez sans doute naïvement que vous êtes libres de vos pensées, de vos paroles et de vos actes ? Il n’en est rien… Cela peut vous paraître choquant au premier abord, et vous allez sans doute rétorquer « que vous disposez pleinement de votre vie »… Pourtant, depuis votre plus tendre enfance, on vous a toujours dit quoi faire, quoi dire, quoi penser… Que ce soit au sein de votre famille, à l’école, ou encore dans votre travail…

Penchons-nous sur la question et creusons le sujet…

Qu’est-ce que l’ingénierie sociale ?

On parle souvent d’ingénierie sociale concernant les hackers qui utilisent des techniques impliquant la manipulation des individus afin d’obtenir des informations ou des accès non autorisés.

Cependant, les hackers ne sont que la partie visible de l’iceberg…

L’ingénierie sociale, ou ingénierie du consentement, est employée par les gouvernements pour influencer l’opinion publique en utilisant des moyens psychologiques, sociaux et culturels, ainsi que des outils de communication de masse.


« Dans une démocratie, tout dépend du consentement du peuple. »

Thomas Jefferson (1743-1826)
3e président des États-Unis


Elle peut avoir plusieurs objectifs :

  • Influencer l’opinion publique et les comportements des citoyens
  • Manipuler les croyances
  • Persuader les gens de soutenir une politique ou une idée en faveur de l’agenda du gouvernement
  • Faire taire les critiques et les opposants
  • Manipuler les élections ou pour supprimer les dissidents

Les différentes formes d’ingénierie sociale

L’ingénierie sociale gouvernementale peut prendre plusieurs formes et les différentes techniques sont souvent associées les unes aux autres.

Propagande

C’est l’une des formes les plus courantes d’ingénierie sociale gouvernementale. Elle consiste à diffuser des messages biaisés pour influencer l’opinion publique et soutenir certaines politiques ou idéologies. Les gouvernements profitent de discours politiques ou se servent des médias traditionnels tels que la télévision (publicités, films, émissions…) et les journaux, ou des médias numériques tels que les réseaux sociaux pour propager et populariser leurs programmes.

Propagande, influencer l'opinion publique
  • En 2003, le gouvernement américain a utilisé une propagande massive pour justifier la guerre en Irak, à grand renfort de communication fondée sur des allégations selon lesquelles l’Irak possédait des armes de destruction massive et était lié aux terroristes d’Al-Qaïda… Des allégations qui se sont révélées fausses par la suite…
  • Pendant le Printemps arabe, les gouvernements occidentaux ont utilisé la propagande pour influencer l’opinion publique et justifier leur intervention dans les conflits en Libye et en Syrie. Cette propagande comprenait la présentation des rébellions comme des mouvements démocratiques spontanés, alors qu’en réalité, les rébellions étaient soutenues et financées par les gouvernements occidentaux.
    • Ainsi, en 2011, la France a participé à une intervention militaire en Libye avec d’autres pays de l’OTAN, justifiée par la nécessité de protéger les civils libyens contre les violences perpétrées par le gouvernement de Kadhafi. Le gouvernement français a largement diffusé une propagande médiatique pour justifier son intervention, présentant les rebelles libyens comme des défenseurs de la liberté et de la démocratie, tout en minimisant le risque de chaos et d’instabilité dans la région après la chute du régime.
    • De même, le gouvernement français a utilisé la propagande pour justifier son intervention en Syrie en 2015. La France a présenté son intervention comme une lutte contre l’État islamique, mais elle a également soutenu les rebelles syriens dans leur lutte contre le gouvernement syrien. La propagande française a souvent présenté le gouvernement syrien comme un régime brutal et criminel, tandis que les rebelles étaient présentés comme des héros luttant pour la démocratie et la liberté.

Censure

La censure est une autre technique utilisée par les gouvernements pour contrôler l’opinion publique. Ils peuvent ainsi censurer les médias en interdisant la diffusion de certaines informations ou en fermant ceux qui critiquent leur politique. Ils peuvent également censurer les réseaux sociaux et d’autres plateformes en ligne en bloquant l’accès à certains contenus ou en fermant des comptes qui dérangent leur narratif.

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  • En 2010, le site Wikileaks (créé en 2006) a publié des milliers de documents confidentiels de gouvernements occidentaux, notamment des États-Unis. Ces révélations ont mis en lumière des pratiques illégales, des abus de pouvoir et des violations des droits de l’homme. En effet, parmi ces documents figuraient des preuves de crimes de guerre commis par les forces américaines en Irak et en Afghanistan, des informations sur les pratiques de surveillance des gouvernements américain et étrangers, et des mémos diplomatiques embarrassants pour les États-Unis et d’autres pays. En réponse, les gouvernements occidentaux ont lancé une campagne de censure pour bloquer l’accès au site et empêcher la diffusion des informations. Son fondateur, Julian Assange, a été poursuivi par les gouvernements américain et britannique. En 2012, il s’est réfugié à l’ambassade de l’Équateur à Londres. Il a été arrêté par la police britannique en 2019 et est depuis lors détenu à la prison de haute sécurité de Belmarsh, en attente d’une décision d’extradition vers les États-Unis.

Déformation de l’information

Pour les gouvernements qui souhaitent influencer l’opinion publique, il s’agit, dans ce cas, soit de présenter des informations de manière biaisée ou incomplète, soit d’exposer des données fictives afin de justifier leurs politiques tout en trompant le public.

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  • Le 26 avril 1986, le réacteur nucléaire n° 4 de la centrale de Tchernobyl, en Ukraine, explose, libérant une quantité massive de radioactivité dans l’atmosphère. Le nuage radioactif se déplace vers l’Europe occidentale, y compris la France. Malgré cela, le gouvernement français affirme que le nuage de Tchernobyl s’est arrêté à la frontière franco-allemande et qu’il n’y a pas de risque pour la santé publique. Or, le nuage avait bel et bien traversé la France, exposant des millions de personnes à des niveaux dangereux de radiation…
  • Dans les années 1980 et 1990, des milliers de personnes ont été infectées par le VIH et l’hépatite C après avoir reçu des transfusions sanguines en France. On estime que plus de 4 000 personnes ont été infectées par ces virus, dont de nombreux enfants atteints de maladies héréditaires nécessitant des transfusions sanguines régulières. Malgré les avertissements de scientifiques et d’experts, le gouvernement français a tardé à mettre en place des tests pour détecter les virus dans le sang et à retirer les stocks de sang contaminé. Des documents ont également révélé que les autorités françaises avaient caché la véritable ampleur de la contamination et avaient tenté de minimiser la responsabilité de l’État dans cette affaire.

Manipulation des élections

Croyez-vous que vous exercez un réel choix lorsque, en tant que citoyen modèle, vous allez déposer un bulletin de vote dans l’urne ? Pensez-vous réellement que les candidats que l’on vous présente sont fondamentalement différents ? Et qu’ils portent en eux un réel désir de servir des intérêts de la population ? Pourtant, ils ont fréquenté les mêmes grandes écoles, se retrouvent lors de dîners mondains et réservent des tables voisines dans les mêmes restaurants…

Au-delà du décorum proposé dans les médias où leurs joutes verbales, savamment orchestrées, ne sont là que pour distraire la plèbe, tous ces candidats représentent en réalité les mêmes intérêts : ceux des financiers qui les portent sur le devant de la scène…

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Surveillance de masse

La surveillance de masse consiste à collecter des données en grande quantité sur les citoyens, sans distinction ni suspicion particulière. Elle est largement utilisée par les gouvernements et les services de renseignement pour surveiller les activités des citoyens, des opposants politiques, des militants, des journalistes, des groupes minoritaires… Ce qui ne manque pas de soulever de nombreuses questions concernant la vie privée et les droits individuels.

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  • Ancien employé de la National Security Agency (NSA) des États-Unis, Edward Snowden a, en 2013, révélé au monde entier l’existence de programmes de surveillance de masse déployés par la NSA. À l’époque, il y travaillait en tant qu’administrateur de systèmes et avait accès à des informations classifiées. Ses révélations ont mis en lumière l’ampleur de la surveillance de masse mise en place par la NSA et d’autres agences de renseignement dans le cadre du programme PRISM (également appelé US-984XN). PRISM a permis de recueillir des données sur les communications électroniques de millions de personnes à travers le monde, et ce, auprès de grandes entreprises de technologie telles que Google, Facebook, Microsoft et Apple. Le scandale de ces révélations a déclenché un débat national et international sur la sécurité nationale et sur la vie privée. Snowden a fui les États-Unis après avoir révélé les informations et a cherché refuge en Russie, où il est actuellement en exil.

Création de faux comptes sur les réseaux sociaux

La création de faux comptes sur les réseaux sociaux par les gouvernements est une pratique courante dans le cadre de l’ingénierie sociale gouvernementale. De faux profils sont ainsi créés pour infiltrer des groupes ou des communautés en ligne afin de surveiller les conversations et/ou d’influencer l’opinion publique en diffusant des informations biaisées.

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  • En 2018, le journal Le Monde a révélé que la France avait créé de faux comptes sur Twitter et Facebook pour surveiller les conversations sur les réseaux sociaux et collecter des informations sur les opinions des citoyens. Selon les enquêtes, les faux comptes étaient gérés par le service de renseignement intérieur français (DGSI) et étaient utilisés pour surveiller les opinions des citoyens sur des sujets tels que l’immigration, le terrorisme et les mouvements sociaux.

Diabolisation de l’ennemi

La diabolisation de l’ennemi est une pratique courante dans la politique internationale et la propagande gouvernementale. Cela permet de présenter des groupes ou des individus comme des menaces pour la sécurité nationale ou la stabilité du pays, afin d’influencer l’opinion publique et de justifier des actions militaires ou politiques.

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  • Dans les années 2000, les États-Unis et la France ont diabolisé Saddam Hussein, le dirigeant irakien, en le présentant comme un ennemi dangereux pour la sécurité mondiale. Cela a permis de justifier l’invasion de l’Irak en 2003, ce qui a conduit à la chute de Saddam Hussein.

Manipulation des émotions

La manipulation des émotions est une technique courante utilisée par les gouvernements pour influencer l’opinion publique et obtenir le soutien des citoyens. Cela permet ainsi de mobiliser l’opinion publique en faveur d’une cause, mais également de façonner la perception des citoyens sur des questions politiques ou de sécurité nationale.

Manipuler les émotions permet également de détourner l’attention de problèmes internes ou de justifier des actions controversées ou impopulaires auprès de la population…

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  • Après les attentats terroristes de 2015 à Paris, le gouvernement français a utilisé la manipulation des émotions pour susciter un sentiment de fierté et de patriotisme chez les citoyens. Le hashtag #PrayForParis a été largement diffusé sur les réseaux sociaux pour exprimer la solidarité avec les victimes des attentats. Le gouvernement en a profité pour adopter une approche plus offensive en matière de sécurité nationale, en renforçant les mesures de sécurité et en menant des frappes aériennes contre des cibles terroristes en Syrie et en Irak notamment…

Création d’un ennemi commun

La création d’un ennemi commun est souvent utilisée pour mobiliser l’opinion publique et obtenir le soutien de la population en faveur d’une politique ou d’une action gouvernementale spécifique. Les gouvernements peuvent utiliser cette technique pour justifier des dépenses militaires élevées, des politiques de sécurité nationale renforcées ou des actions unilatérales controversées. La création d’un ennemi commun peut également être utilisée pour détourner l’attention de problèmes internes, tels que des problèmes économiques ou sociaux.

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  • Pendant la Guerre Froide, le gouvernement américain a désigné le communisme comme un ennemi commun. Cette désignation a été utilisée pour justifier la participation des États-Unis à des guerres en Corée et au Vietnam, ainsi que pour renforcer les mesures de sécurité nationale. La lutte contre le communisme a également été utilisée pour justifier la surveillance de masse et la restriction des libertés individuelles.
  • Depuis les attentats terroristes de 2015 à Paris, le gouvernement français a désigné le terrorisme islamiste comme un ennemi commun. Cette désignation a été utilisée pour renforcer les mesures de sécurité nationale et pour justifier la participation de la France aux opérations militaires en Syrie et en Irak. De plus, cette lutte contre le terrorisme a également été utilisée pour justifier des mesures controversées, telles que la surveillance de masse et la restriction des libertés individuelles.

Là où les régimes autoritaires ont choisi la force, les démocraties ont inventé « les relations publiques », ou la « fabrique du consentement »… Au final, le résultat est le même. Seule demeure la question de la « perception »…

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